Assainissement écologique

Responsable de cette thématique : Emmanuel Ngnikam ( postmaster@cefrepade.org)

Notre angle d’action: l’assainissement écologique

L’accès à l’assainissement est aujourd’hui un des points inquiétants du développement humain à travers le monde. On estime à 2,6 milliards (site de l’UNICEF) les personnes qui n’ont pas accès à l’assainissement amélioré, défini comme « installations sanitaires hygiéniques permettant d’éviter tout contact humain avec les excreta ».

Ciblée en troisième point par l’OMD 7 « Assurer un environnement humain durable », la thématique de l’assainissement est rattachée à une gestion rationnelle des ressources et à l’accès à une eau potable. Il est important de souligner que c’est  sous un angle environnemental que le non accès à une eau potable et à l’assainissement est présenté devant la communauté internationale. Les missions du CEFREPADE s’intègrent parfaitement à la démarche préconisée par les Nations Unies : accompagner ses partenaires à relever le défi de l’assainissement dans le respect de l’environnement.

Et ainsi appuyer la remise en cause grandissante de ce qui a été la révolution sanitaire au 19ème siècle : les toilettes à chasse d’eau ! Puisque, avouons-le, quelle incohérence de polluer l’eau pour évacuer des excreta ! L’eau n’est pas faite pour recevoir des déchets, même s’il est vrai qu’elle les transporte très bien.

L’assainissement écologique trouve toute sa place dans le cycle de la matière organique :

Les enjeux sur le terrain

Les considérations liées à l’assainissement sont généralement les mêmes que pour n’importe quel service public : économiques, politiques, budgétaires, culturelles et environnementales.

Elles ont cependant une spécificité : celle de se rattacher à l’intime souvent considéré comme « honteux » de tout être humain : les EXCRETA !

L’aspect culturel, social, voire religieux, appelle une pudeur partagée par la population mondiale : peu de sociétés aiment parler de leur fèces sur la place publique…

Ainsi, tout en encourageant la prise de responsabilité des autorités locales, garantes des politiques de santé publique, l’action à mener avec nos partenaires est bien d’appeler une implication et une mobilisation des populations qui souffrent de l’absence de structures sanitaires.

Et c’est la que commence l’aventure…

Le CEFREPADE progresse en douceur dans les pays où il mène des projets. Cela débute par la prise de conscience, la sensibilisation et l’appropriation des solutions proposées.

Les toilettes à litière bio-maîtrisée (TLB) sont un des modèles simples de toilettes écologiques ; elles ont l’avantage de pouvoir être construites sur place, pour un coût modéré, en s’appuyant sur l’économie locale. Par rapport aux latrines sèches traditionnelles, souvent non étanches, elles permettent aussi de limiter les risques de contamination des eaux souterraines.

Voici un schéma rudimentaire de la TLB la plus classique : l’assise est positionnée au dessus d’un réceptacle  que l’on videra régulièrement. La TLB, afin de garantir un certain confort, doit être utilisée avec de la matière carbonée (sciure par exemple) recouvrant les besoins venant d’être déposés.

(http://www.lamaisonnature.ch/la-gestion-de-leau/toilettes-a-compost/)

Elles peuvent être améliorées avec un dispositif simple permettant la séparation des urines, ces dernières pouvant ensuite être directement valorisées sous forme d’engrais. Cela permet en outre de réduire les odeurs. Les fèces sont ensuite compostées par les habitants ou peuvent être collectées pour être compostées sur une installation collective.

Au niveau local, il faut préparer le terrain et les populations : sensibiliser, démontrer et proposer les bienfaits des TLB, offrir la possibilité aux populations d’être actives, autonomes et responsables sur ces questions… Vaste programme, basé sur le fait que l’implication et l’interaction des populations demeurent la porte d’entrée pour garantir une évolution positive et pleine de succès.

Des TLB en Haïti?

Gaston JEAN en pleine action de sensibilisation des habitants de Grande Plaine

Grâce à ses partenaires en Haïti, et particulièrement dans la région de Gros Morne, le CEFREPADE contribue :

– à la conception de prototypes de toilettes sèches au sein de l’artisanat local, étape permettant d’évaluer le coût d’investissement d’un tel dispositif pour les ménages ;

– à promouvoir l’émergence d’un « nouveau marché » avec un impact potentiel important sur l’économie locale (menuiserie, collecte et valorisation des excreta) ;

– à Intégrer les matières compostées à des processus de reboisement dont le besoin est criant dans cette région et au développement de l’agro-écologie.

Découvrez notre projet de TLB en Haïti: http://www.sswm.info/category/implementation-tools/water-use/hardware/toiletsystems/arborloo

Autre projet, autre approche: notre projet au Cameroun

Au Cameroun, dans le village d’Ebeba I, à une quarantaine de kilomètres de Yaoundé, le CEFREPADE et ses partenaires (AUNTD, ERA Cameroun et structures locales) ont débuté une action intégrée au développement local

La population rurale a mis en place un système de maraîchage communautaire, respectant une culture diversifiée et génératrice de revenus pour les agriculteurs. Mais qui dit « développement » implique l’accès à l’eau et à l’assainissement. C’est sur ces thématiques que le CEFREPADE a été sollicité. Par un financement du Fonds Eau du Grand Lyon, ce projet vise à apporter un accès à l’eau suffisant même en période de saison sèche. Par cette action liée à l’eau, il est possible d’analyser les besoins en assainissement afin de protéger les populations et l’environnement dans son ensemble. Par l’ouverture d’un dialogue avec la population locale, la situation sanitaire est diagnostiquée et le besoin concernant les latrines ne fait pas de doute.

Afin de respecter l’environnement et les ressources naturelles, le projet veut interroger les usagers pour qu’ils choisissent leur mode d’assainissement : tout en respectant les convictions culturelles et sociales, il est intéressant d’exposer les solutions écologiques, basées sur le cycle de vie naturel des matières organiques.

Mais comme le sujet des excreta est lié à l’intime, à ce qui est honteux, les conceptions locales peuvent être erronées face aux enjeux de l’assainissement écologique. Il est donc primordial de réconcilier les villageois avec la notion de matière organique et de la place qu’elle occupe dans l’enrichissement des sols lorsqu’elle est compostée.

L’arborloo, prémices de l’assainissement écologique.

C’est pour cela que le CEFREPADE intègre à ce projet d’accès à l’eau du village d’Ebeba I une sensibilisation à l’assainissement écologique : la technique de l’arborloo paraît adaptée pour communiquer sur ce sujet et amener tout un chacun à se questionner sur les toilettes sèches.

Le principe est simple : la latrine est installée au-dessus d’une fosse simple, non étanche (la localisation de la fosse est bien entendu adéquate pour éviter les risques de contamination par le sol). Lorsque cette fosse est pleine, plutôt que la vider, on déplace la latrine sur une nouvelle fosse. L’ancienne est recouverte et sera le berceau d’un jeune arbre : celui-ci démontrera à qui veut bien le voir qu’il pousse bien mieux que son voisin qui ne bénéficie pas des riches nutriments que lui apporte la fosse !

Toilettes écologiques : la recherche avance !

L’assainissement écologique est régulièrement controversé par rapport au traitement des résidus, surtout si l’objectif est de les valoriser en agriculture. Il est donc important de s’inquiéter du devenir des pathogènes et de certaines molécules contenus dans les excreta.

Le CEFREPADE y travaille avec certains de ses partenaires (Université Quisqueya en Haïti, INSA de Lyon en France).

Le LGCIE de l’INSA de Lyon (Rémy BAYARD) a encadré en 2012/2013 un étudiant burkinabé issu du 2IE, Arnaud KOANDA, pour travailler sur le devenir de pathogènes, molécules médicamenteuses et stupéfiantes lors du compostage de résidus solides de TLB. Une publication est prévue en 2014 dans la revue Déchets Sciences et Techniques. L’analyse des résidus solides de TLB collectés sur un festival de musique électronique en France et stockés en cuve pendant six mois a permis de mettre en évidence l’absence d’agents pathogènes et la capacité de tels résidus à la biodégradation en conditions aérobie, en présence de déchets verts.

Une thèse de doctorat en co-tutelle entre l’UNIQ et l’INSA de Lyon a démarré fin 2013, pour 4 ans. Menée par Gaston JEAN, elle doit permettre d’identifier les conditions qui permettraient de mettre en place des TLB en Haïti. Afin d’échanger sur le sujet avec des experts, de premières communications ont déjà été produites : article pour le GRAHN, communication lors de l’atelier de restitution du programme MAFADY à Yaoundé.

En conclusion…

Promouvoir l’assainissement écologique, notamment au travers de TLB, est un des axes que le CEFREPADE a décidé de suivre pour proposer une solution abordable et « écocompatible » aux populations les plus défavorisées. Rendez-vous à partir de 2016 pour savoir si cette piste est pertinente !